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Cas clinique: Diarrhée en fin d'engraissement dû à Brachyspira hyodysenteriae

Description de l'élevage et apparition du cas
18 Juin 2008
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Description de l'élevage et apparition du cas
Description de l'élevage

Il s'agit d'un élevage de porcs à l'engraissement qu'une entreprise de production d'aliment du bétail possède en intégration en Espagne.
• Il dispose d'environ 2100 places au total, réparti en 5 bâtiments d'une capacité de 350 à 450 porcs chacun.

• L'engraissement est rempli avec des porcelets provenant d'un élevage qui fonctionne en bandes toutes les 3 semaines, avec un objectif de 40 mise-bas / 3 semaines. Les porcelets sont sevrés à 28 jours et quittent l'élevage à 9 semaines d'âge. Il arrive ainsi 400 porcelets toutes les 3 semaines.

• Les bâtiments ont un couloir central avec des cases de chaque côté d'une capacité d'environ 18 porcs.

Au moment du chargement, la logique veut que l'on commence toujours à charger les plus gros du bâtiment. Souvent, quand le premier bâtiment n'est pas encore terminé de vider, on commence déjà à charger les plus grands du deuxième (ils ont 3 semaines de moins, mais ils sont déjà plus grands que les petits et que les plus faibles du lot précédent).

Parfois, on transfère la vingtaine de porcs les plus petits depuis le bâtiment qui est désormais pratiquement vide vers le bâtiment où les porcs ont 3 semaines de moins et où on a déjà commencé à enlever les plus grands. De cette façon, on réussit à vider le premier bâtiment et on peut commencer à nettoyer et désinfecter afin qu'un nouveau lot arrive le plus tôt possible.

Apparition du cas

Alors que, précisément, un bâtiment a commencé à être vidé, de la diarrhée d'aspect sanguinolent apparaît dans deux cases. Ces 2 cases sont assez espacées entre elles (l'une en entrant à gauche et l'autre au fond à droite).

L'aspect de la diarrhée et des animaux touchés est assez alarmante. La diarrhée est assez liquide et contient indubitablement du sang et du mucus.

Les animaux atteints ont mauvais aspect, ils sont très apathiques, maigres et certains ont une diarrhée très profuse.



Restes de diarrhée sanguinolente sur les murs

Porcs maigres et apathiques

Le reste du bâtiment est examiné avec attention et aucune autre case ne semble touchée. Comme pour le moment il n'y a pas de pertes, des échantillons de fèces de 4 porcs très atteints sont prélevées pour les envoyer au laboratoire afin de confirmer nos suspicions.

En attendant le résultat, l'eau de boisson est supplémentée avec 90 g / 1000 litres de lincomycine 40 % et tous les porcs des deux cases les plus atteintes sont injectés avec de la tiamuline (14 jours de temps d'attente).

Au bout de 7 jours on reçoit la confirmation de la part du laboratoire de ce que l'on craignait déjà : Brachyspira hyodysenteriae a été détecté en culture sur les 4 échantillons envoyés. Le diagnostic différentiel de l'iléite (Lawsonia intracellularis) est négatif.

Bien que l'aspect de la diarrhée nous le faisait craindre, le résultat de laboratoire nous laisse stupéfaits. L'éleveur ne se souvient pas d'épisodes de diarrhée contenant du sang depuis plus de 10 ans. Dans les 4 dernières années, les animaux provenaient toujours du même élevage et on n'a jamais observé de diarrhée avec du sang. Dans le noyau reproducteur d'origine des porcs, on n'a pas non plus observé de problème quelconque.

Les mesures de biosécurité de l'élevage sont assez bonnes. Il est assez isolé, clôturé et avec des grillages contre les oiseaux sur les fenêtres. Il dispose d'un bon vestiaire, mais celui-ci est situé à l'intérieur de l'élevage.


Evolution du cas
A la première question, « comment la dysenterie est-elle apparue dans l'élevage ? », on trouve rapidement la réponse après avoir discuté un moment avec l'éleveur. On ne va pas entrer maintenant dans les détails de cette conversation pour entretenir un peu l'incertitude du cas, mais pour vous mettre sur la piste ,on dira que la clé est dans la "curieuse" apparition du cas (il commence dans deux cases totalement séparées).

Notre principale préoccupation est que la dysenterie ne se propage pas à l'intérieur du bâtiment atteint mais surtout qu'elle ne se transmette pas à d'autres bâtiments. Comme on entre des âges différents (et séparés de 3 semaines) dans chaque bâtiment, si d'autres bâtiments étaient atteints ce serait un énorme problème .

Evolution dans le premier bâtiment touché

Les séparations des cases du bâtiment se montrent très inefficaces dans le cas d'une maladie transmise par les fèces : elles n'atteignent pas le sol, laissant un espace de communication entre les cases.

Comme on peut l'observer ici, il y a un espace libre sous les séparateurs des cases.

Comme on pouvait s’y attendre, le traitement maintient plus ou moins la situation sous contrôle, mais au bout d'une semaine, d'autres cases sont trouvées atteintes (mais pas de façon aussi grave).

On continue d'envoyer les animaux à l'abattoir. Les porcs qui partent le plus tard sont ceux injectés à la tiamuline pour respecter le temps d'attente. Le bâtiment est vide au bout de 2 semaines environ après le début de la maladie.

Une fois le bâtiment vidé, il est parfaitement nettoyé et désinfecté pour essayer de réduire au maximum les possibilités de réinfection du lot de porcs suivant qui va arriver. L'éleveur responsable de l'élevage est très méticuleux et réalise le travail à la perfection.
• Il prête beaucoup d'attention à ce qu'il n'y ait plus de restes de fèces, en insistant sur les coins, les jointures des grillages, les trémies, ...

• Les fosses sont nettoyées et désinfectées en levant les grilles pour avoir un meilleur accès.

• Une fois le bâtiment séché, le sol et les murs sont passés à la chaux jusqu'au niveau où les animaux peuvent accéder.

• Le bâtiment est laissé vide 2 semaines.


Evolution dans les autres bâtiments

Depuis l'apparition des premiers symptômes, des mesures sont mises en place afin d'essayer que la diarrhée ne soit pas transmise aux autres bâtiments..
 

• Pour essayer de minimiser la transmission à partir des chaussures, une paire de chaussures est destinée seulement aux déplacements en dehors des bâtiments. Pour entrer dans chaque bâtiment on utilise des bottes spécifiques au bâtiment (on met des bottes neuves dans chacun des 5 bâtiments).

• De la chaux est jetée aux entrées des bâtiments

Le contrôle des rongeurs sur l'élevage est assez bon, mais toutes les précautions nécessaires sont augmentées. Les bâtiments sont très proches les uns des autres, mais le moindre espace extérieur de l'élevage est totalement désherbé (il est couvert de gravier) et débarrassé de tout objet. Cela peut limiter le mouvement de rongeurs entre les bâtiments.

• Dans les 4 autres bâtiments, aucun type de traitement médicamenteux n’a été mis en place, ni dans l'aliment, ni dans l'eau, précisément pour éviter que les symptômes ne soient masqués au cas où un autre bâtiment serait déjà contaminé.


Dans ces 4 autres bâtiments on n'observe aucun symptôme pendant au moins les 2-3 semaines suivant l'apparition des troubles. Mais, après un moment, dans l'un des bâtiments (où les animaux ont entre 50 et 60 kg) un foyer de diarrhée avec sang commence dans une salle.

Evolution dans le second bâtiment atteint
On ne saura probablement jamais comment la maladie s'est transmise du premier bâtiment au second. Cependant, l'hypothèse la plus probable est que la maladie était déjà installée lorsqu'on a pris les mesures pour éviter la transmission entre les bâtiments.

La période d'incubation de la dysenterie porcine peut être très variable (de 2 jours à 3 mois), mais normalement la maladie se développe entre 10 à 14 jours après le premier contact.

Donc, au moment où on a observé les premiers symptômes, les animaux du premier bâtiment atteint étaient déjà infectés depuis plus de deux semaines.
Cela concorde parfaitement avec le moment où on a introduit la plus que probable voie de contamination (que nous n’allons pas encore dévoiler).

Pendant ces 2 semaines au cours desquelles on n’a pas observé de symptômes, mais où les animaux étaient déjà infectés, ni l'éleveur, ni le vétérinaire n’ont pris de mesures particulières pour éviter la transmission de la maladie entre les bâtiments. Pendant ce temps, la maladie est passée probablement au bâtiment suivant par les chaussures contaminées.


La case atteinte est la 3ème à gauche (3 i) d'un bâtiment de 12 cases dans la longueur.
Ensuite il y a une autre case et tout de suite après les 2 autres cases laissées pour l'infirmerie (avec peu d'animaux présents).

Avec l'expérience du bâtiment précédent dans lequel la diarrhée a "circulé" par-dessous les séparations en touchant presque tout le bâtiment, on décide alors d'installer une sorte de barrière. On laisse une case libre pour essayer que la maladie n'évolue pas dans toute l'installation. Cette case est obtenue en réunissant les 2 servant d'infirmerie.

• Etant juste à côté de celle atteinte, les cases 4i et 2i se trouvent condamnées.

• Les animaux de la 6i (infirmerie 1) sont transférés dans la 5i (infirmerie 2), de telle manière que la 6i reste vide, faisant ainsi office de barrière.

• Avec ce plan, on condamne toutes les cases du côté gauche jusqu'à la cinquième, mais le but est d'éviter ou de retarder au maximum l'infection du reste des cases (si elles ne sont pas déjà infectées …).

• On pourrait aussi installer la barrière dans la case 5i en joignant les infirmeries dans 6i, mais on préfère "assurer le tir", en considérant les porcs de la case 5i (à 2 cases seulement du foyer) comme infectés.

On injecte toutes les cases atteintes et les cases voisines avec de la tiamuline et on supplémente aussi l'aliment à la tiamuline pour prévenir l'infection du reste de bâtiment. Dans ce cas, on ne traite pas par l'eau de boisson car le nombre de salles touchées est faible et le traitement de l'eau est très coûteux pour traiter moins de 5% de porcs atteints.

On suppose qu'en injectant les animaux les plus malades, le traitement par l'aliment pourra contenir la situation.

Les mesures pour éviter la transmission entre les bâtiments sont maintenues.

Evolution finale du cas
La situation est celle à laquelle on s'attend, puisque comme prévu, toutes les cases du côté gauche jusqu'à la 5ème se trouvent progressivement atteintes.

Nous avons cependant une certaine satisfaction de voir que, malgré le temps qui passe, la diarrhée n'évolue pas dans le bâtiment et ce qui est plus important, on n’observe pas non plus de cas dans les autres bâtiments.

Mais, au bout d'environ de 2 à 3 semaines de la première apparition dans ce deuxième bâtiment, tout à coup tout s'écroule. Du jour au lendemain plusieurs cases sont touchées à différents endroits du bâtiment. De la diarrhée est même observée dans les cases de la rangée droite du bâtiment.

Curieusement, parallèlement à ces symptômes, les animaux toussent et ont arrêté de manger.
 
• Il se pourrait qu’un petit passage de grippe induise la manifestation clinique d'une maladie qui se trouvait momentanément sous contrôle à cause du traitement mis en place.

• La toux a aussi coïncidé avec une période de grandes variations de température entre le jour et la nuit. Le stress environnemental pourrait avoir affecté la réponse immunitaire des porcs.

Le traitement médicamenteux dans l'aliment et dans l'eau de boisson a été revu afin de garder la dysenterie sous contrôle dans ce bâtiment et, pendant un moment, on a réussi à éviter la transmission aux autres bâtiments. Mais, au bout d'environ un mois, on a observé de la diarrhée contenant du sang dans une case du bâtiment de porcs 3 semaines plus jeunes.

Le cas se complique à nouveau et plus le temps passe, plus les chances de voir plus d'un bâtiment atteint augmentent. Les traitements devront être permanents et coûteux. L'erreur d'un jour va coûter beaucoup d'argent.

Mais quelle a été l'erreur initiale ?

On a déjà expliqué que de façon très occasionnelle on déplaçait les animaux les plus faibles d'un lot vers le précédent, afin de finir de vider le premier bâtiment. L'élevage ne dispose pas de couloirs de transfert entre les bâtiments et, par conséquent, ces enlèvements se font avec le propre camion de la société. Cependant 2 semaines avant que n'apparaisse le premier cas, le transfert a été réalisé par un camion extérieur qui se charge d'habitude du transport d'animaux à l'abattoir pour d’autres élevages. Profitant du fait qu’il venait charger animaux, il a réalisé le déplacement d'environ 30 porcs plus faibles qui occuperont 2 cases du bâtiment avec des porcs de 3 semaines de moins.

L'une de ces cases était à l'extrémité du bâtiment et dans le couloir droit. La seconde à l'autre extrémité et dans le couloir gauche. Bizarrement, c'était exactement les 2 cases dans lesquelles l’épisode de dysenterie est apparu

Ce cas démontre que :

 
Les camions ne reviennent pas aussi propres et désinfectés de l'abattoir qu’on pourrait le penser ou si c'était le cas, Brachyspira hyodysenteriae est un micro-organisme réellement résistant.

• En plus de cette résistance, il est vraiment contagieux, car en seulement 5 minutes de séjour dans le camion, 2 porcs au minimum seront infectés (la maladie a commencé dans deux cases avec des porcs transférés).

Les mesures de biosécurité sont fréquemment laissées pour compte car "il ne se passe rien d’habitude". Mais le problème est que quand quelque chose se passe, la répercussion économique est souvent brutale.


Commentaires
Il s'agit d'un cas de diarrhée en fin d'engraissement dû à Brachyspira hyodysenteriae

Epidémiologie : source de l'infection

Il existe différentes souches de Brachyspira hyodysenteriae, avec différents degrés de virulence. Dans le cas clinique décrit ici, la souche était très pathogène, en présentant des animaux atteints de graves symptômes cliniques. Dans la plupart des élevages, les cas de dysenterie que l'on observe aujourd'hui sont beaucoup plus virulents que ceux d'avant.

La transmission de la dysenterie se fait par voie oro-fécale. Dans ce cas, elle s'est faite par l'utilisation d’un camion qui avait auparavant amenés des animaux infectés à l'abattoir. Si le camion avait seulement chargé les animaux pour l'abattoir, il ne se serait probablement rien passé. Le problème fut que ce camion a été utilisé pour transporter des animaux à l'intérieur même de l'élevage.

Brachyspira hyodysenteriae est un micro-organisme terriblement résistant dans l'environnement, surtout dans les fecès et le lisier. On ne connaît pas la qualité du nettoyage et la désinfection faite dans le camion mais on ne peut pas non plus accuser le chauffeur. Il est impossible de garantir qu'un camion qui a chargé des animaux porteurs de dysenterie, soit à 100% indemne de risque de contamination au bout de peu de temps (même avec un nettoyage parfait, une désinfection et un temps de repos).

La faute est celle du responsable de l’élevage mais il faut aussi comprendre la situation. Cela coûte beaucoup d'argent d’entretenir un bâtiment de 20 animaux "en retard" en attendant de les envoyer à l'abattoir. On sait que mélanger des animaux d'âge différent est dangereux, particulièrement en fin d'engraissement. Cependant, ces animaux n'ont pas d'autre issue possible si ce n'est en acceptant un prix "sacrifié" à l'abattoir. Il est clair que cette option aurait été la plus économique mais cela est vu à posteriori.

Contrôle de la dysenterie dans un élevage en continu

Le problème majeur de ce cas est qu'il survient dans un élevage d'engraissement où on réalise des entrées de porcelets provenant de la même origine toutes les 3 semaines. L'engraissement travaille en tout plein - tout vide par bâtiment, mais évidemment pas au niveau de l’élevage.

 
• En ayant 5 bâtiments d'une capacité variable (entre 350 et 450 porcelets), on dispose d'espace pour 5 lots productifs, ce qui équivaut à 15 semaines de rotation (5 lots x 3 semaines).

• Ce temps de rotation est trop juste pour engraisser et nettoyer correctement, c’est pourquoi un lot d'animaux (et parfois 2) doit être engraissé sur un autre élevage.

Les porcelets sont élevés sur le même élevage depuis 9 semaines d'âge jusqu'à l'abattage, par conséquent dépeupler l'élevage demande beaucoup de temps d’arrêt d‘exploitation.

Contrôler une maladie comme la dysenterie dans une situation comme celle-là est compliqué. Les rongeurs sont porteurs de la maladie (et même les chiens, les oiseaux et les mouches de façon saisonnière), par conséquent il est très facile d'avoir une transmission permanente entre les bâtiments.

Il serait possible de baisser la pression d'infection et de minimiser l'expression de la maladie :
 
• Il faut réaliser des traitements de tous les animaux de l'élevage en même temps.

• Il faut appliquer des mesures extrêmes de nettoyage et de désinfection des salles entre les lots.

• Il faut assurer la réduction de la pression d'infection en réduisant la matière fécale présente.

• Il faut assurer le nettoyage et la désinfection du matériel, des bottes, des tenues de travail, ... de tout ce qui entre en contact avec les animaux.

• Il faut mettre en place un contrôle des rongeurs et des mouches.

Réussir à éradiquer la dysenterie sans dépeupler l'élevage sera réellement difficile. Maintenir la maladie sous contrôle coûtera beaucoup d'argent et de temps.

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