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Nous touchons presque le plancher annuel des prix

Le prix a tellement baissé que nous ne devrions plus être très loin du plancher annuel.

Un mois d’octobre à oublier s’achève. Avec le marché d’hier, nous atteignons seize semaines consécutives de baisse ininterrompue. Du 10 juillet à aujourd’hui, le prix est passé de 1,815 euro/kg vif à 1,369 à la cotation du jeudi. En tout, plus de 44 centimes de chute, soit plus de 50 euros de dévalorisation par porc en moins de quatre mois. Le marché s’est retourné comme un gant. Au cours de ces seize semaines, le prix a reculé en moyenne de 2,8 centimes par semaine. Nous devons être désormais très proches du minimum annuel.

L’Espagne est un État membre à part entière de l’Union européenne. Or, l’ensemble du marché communautaire s’est effondré, sans la moindre exception (seule l’Italie résiste encore). C’est comme si une sorte de conjonction astrale s’était produite, réunissant tous les facteurs négatifs possibles ; nous en avons déjà décrit la nature dans des articles précédents. Soulignons ici que l’imposition par la Chine de nouveaux droits de douane a porté le coup fatal à un marché déjà saturé. La faiblesse du dollar nous a également grandement pénalisés. Ce qui se passe aujourd’hui ressemble à un puissant coup de vent ayant balayé les balles qu’un funambule virtuose maintenait en équilibre dans les airs…

La viande abonde en grandes quantités et il n’existe qu’un seul remède : relancer les exportations vers les pays tiers afin d’oxygéner le marché intracommunautaire. Les baisses cesseront lorsque le prix de certaines pièces de porc permettra à nouveau des exportations massives. Le prix a tellement chuté que nous ne devons plus être très loin du plancher annuel.

Il y a deux mois, nous avions osé prédire un prix plancher de 1,45 €/kg vif ; nul ne savait alors que la Chine allait instaurer des droits de douane sur la viande européenne. Nous ne saurons jamais si, sans ce lourd handicap, la cotation espagnole aurait tenu à ce niveau. Aujourd’hui, il nous faut affronter une réalité bien plus sombre que prévu.

Le prix actuel se situe clairement en dessous du coût de production. Nous savons qu’il ne faut attendre aucun mouvement haussier ni en novembre ni en décembre, et qu’en janvier, il y aura fort à faire pour résorber les retards des fêtes de Noël. Avec un peu de chance, une réaction pourrait apparaître en février — timide, sans doute.

La situation des éleveurs européens est dramatique, où que l’on regarde. L’histoire récente montre que le prix espagnol est toujours un cran au-dessus de celui des autres pays de l’UE (au moins depuis 2022). Savoir que nos confrères du reste de l’Union européenne s’en sortent encore plus mal n’apporte ni réconfort ni consolation, mais il faut bien l’admettre : c’est un fait indéniable. La seule exception, déjà mentionnée, reste l’Italie, même si elle doit composer avec la PPA — tâche ardue dans un pays habitué à exporter ses délicatessen à base de porc transformé dans le monde entier. Et rappelons qu’il ne s’agit pas d’un grand producteur : l’Italie abat à peine le cinquième ou le sixième du volume espagnol. De nombreux éleveurs européens abandonneront ; il n’existe pas d’autre issue.

Le prix espagnol a chuté au point d’atteindre désormais le niveau du Brésil ; il reste légèrement supérieur à celui des États-Unis, mais là-bas, l’offre est limitée et la consommation intérieure soutenue, ce qui les dispense de pousser leurs exportations — un facteur qui, pour une fois, joue en notre faveur. Cette baisse brutale aura au moins permis de retrouver de la compétitivité sur les marchés internationaux. Nous l’avons déjà dit : nous avons besoin d’exporter comme nous avons besoin de l’eau que nous buvons.

Les abattoirs devraient bientôt oser congeler sans craindre de nouvelles baisses. La faiblesse persistante des prix a freiné la constitution de stocks par peur de congeler trop cher. L’envie de vendre en frais a accéléré les chutes en ajoutant encore plus de viande sur un marché déjà saturé. Lorsque la conviction que le prix a touché le fond s’imposera, la rétention actuelle des volumes destinés à la congélation cessera. Cette seule circonstance apportera d’elle-même une réelle fermeté. Elle constituera un soutien indispensable aux futures hausses (qui ne manqueront pas de venir).

Il nous semble que la concentration croissante observée dans l’ensemble de l’Union européenne a joué un rôle certain dans l’amplification des baisses. Du temps où le marché était encore morcelé, la multitude de petits opérateurs contribuait à amortir les secousses, dans un univers moins transparent, où la circulation de l’information rencontrait mille entraves. Un petit nombre d’opérateurs, très puissants, peuvent désormais faire osciller le marché dans un sens ou dans l’autre, sans même le vouloir.

Même avec des baisses de la viande aussi prononcées, les abattoirs espagnols n’ont pas, paradoxalement, réussi à retrouver leurs marges. Lorsque la viande atteindra son plancher et que les abattoirs dégageront enfin une marge décente (pas confortable, mais décente), les abattages augmenteront d’un cran et le marché retrouvera son équilibre perdu. Tout arrivera, comme cela finit toujours par arriver.

Il est probable que nous ayons changé de paradigme. Les dernières années ont été très favorables aux éleveurs espagnols, mais tout indique à présent que nous avons basculé dans une nouvelle phase. La production devra faire preuve de toute sa résilience dans les mois à venir. Nous n’avons aucun doute : le soleil reviendra briller. Peut-être faudra-t-il attendre, mais il reviendra briller avec force.

Terminons aujourd’hui par une citation de l’écrivain canadien Robertson Davies : « Les gens extraordinaires survivent aux circonstances les plus terribles. »

Guillem Burset

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