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Cas clinique: Pathologie digestive de transition

Description de la situation
6 Janvier 2004
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Description de la situation

Description de l'élevage

Il s'agit d'un élevage naisseur-engraisseur de 200 truies situé en Bretagne. La conduite est faite en 7 bandes. Le sevrage est pratiqué à 28 jours.

La maternité comporte 2 salles de 24 places ; le post-sevrage est de 3 x 250 places. Le nombre de porcelets sevrés par truie en production et par an est de 27.

Historique récent

Le seul problème majeur dans cet élevage est la persistance de pathologie digestive en milieu de post-sevrage depuis plus de 2 ans. Cette durée explique aussi l'attitude de l'éleveur véritablement " dégoûté " d'autant plus que de nombreux " conseillers " le sollicitaient pour tester tel ou tel aliment, telle ou telle supplémentation, telle ou telle stratégie, telle ou telle génétique, toutes très prometteuses !

Description du cas

Les problèmes surviennent toujours au même moment, 4-5 jours après l'arrêt de la transition alimentaire. L'éleveur rapporte que les problèmes débutent presque toujours le samedi ou le dimanche de la 3ème semaine qui suit le sevrage.

Il s'agit de mortalité brutale de beaux porcelets avec déshydratation intense et très rapide (colitoxicose confirmée par le laboratoire) avec ou sans diarrhée, celle-ci n'ayant souvent pas le temps de se manifester.

Le nombre de morts varie d'une bande à l'autre (de 2 % à parfois plus de 8-10 % pour les bandes les plus affectées)

De très nombreuses recommandations ont été faites aussi bien dans le domaine de la conduite d'élevage (qualité et durée des transitions) que médicales (essai de nombreuses supplémentations dans l'aliment et/ou dans l'eau). Ces supplémentations ont été proposées soit dans l'aliment 1er âge soit dans l'aliment 2ème âge soit même dans les deux avec des résultats mitigés. Toutefois, certains traitements semblent, parfois, avoir apporté des améliorations mais jamais définitives.

Le diagnostic étiologique est donc posé : colitoxicose (ou gastro-entérite hémorragique) à E. coli (souche K88 ou K4).


Origines possibles


Description des variables de l'élevage

Nous utilisons l'approche dite " ALARME " avec le " A " pour la variable animal, le " L " pour la variable logement, le deuxième " A " pour les variables alimentation et abreuvement, le " R " pour la régie ou conduite d'élevage, le " M " pour le microbisme et/ou le(s) médicament(s) et/ou les maladies et enfin le " E " pour la variable " Eleveur ". Il est en effet important, selon nous, de différencier la conduite d'élevage de la manière dont elle est appliquée.

Variable " Animal "
Poids au sevrage de 8 kg. , R.A.S.

Variable " Logement "
Post-sevrage neuf (2 ans) : 10 cases de 25 porcelets : R.A.S.

Variable " Alimentation et Abreuvement "
Deux aliments achetés. Pour estimer " cliniquement " la qualité de l'aliment, nous utilisons souvent le prix (dans ce cas, et selon les livraisons, de 0.49 à 0.54 euros/kg en granulés). L'aliment 2ème âge coûtait de 0.21 à 0.22 euros/kg en farine.

Variable " Régie" (Conduite d'élevage)
Actuellement, la transition est courte, sur 3 jours, faite manuellement et approximative.
L'éleveur allote le mieux possible en constituant des cases de petits et de gros porcelets. Les cas surviennent, semble-t-il, plus rarement dans les cases de " petits porcelets " mais cela n'a pas été vérifié.

Variable " Microbisme/Maladies/Médicamentations "
Elevage SDRP positif , R.A.S.

Variable " Eleveur "
R.A.S.

Hypothèses sur l'origine du cas

Considérant :
- le diagnostic de colitoxicose (K88 ou K4) avec ou sans diarrhée colibacillaire (également à K88) ;
- l'âge à l'apparition des premiers symptômes ;
- les échecs des métaphylaxies médicamenteuses ;
- les caractéristiques épidémiologiques de la colitoxicose qui doit être considéré comme une pathologie infectieuse " accidentelle ", non contagieuse (elle survient habituellement dans les 24-36 heures qui suivent un " accident " digestif, le plus souvent un dépassement des capacités digestives).

Nous avons fait l'hypothèse d'une pathologie qui entre dans le cadre des pathologies dites " de transition ". Dans le cas de cet élevage, elle serait reliée à un changement inadapté d'aliments mal adaptés . Il faut donc en rechercher les principaux facteurs en élevage.

En reprenant notre approche "ALARME" :

Variable " Animal "
250 porcelets / bande : R.A.S

Variable " Logement "
R.A.S

Variable " Alimentation et Abreuvement "
Variation de composition et de présentation

A gauche : aliment 1er âge
A droite : aliment 2ème âge
Les porcelets reçoivent un aliment " starter " en lactation. Le poids au sevrage est normal (> 8kg)

L'eau est chlorée et acidifiée.

Variable "Régie" ou " conduite d'élevage "
La conduite de l'alimentation est la suivante:

S = Sevrage
1 et 2 : respectivement aliment 1er et aliment 2ème âge.
M =mélange (au seau) : sur 3 jours, passage de l'aliment 1er âge à l'aliment 2ème âge à raison de, approximativement, 2/3-1/3, 1/2-1/2, et 1/3-2/3.
La zone en rouge correspond à l'apparition des premiers cas clinique de colitoxicose.

Semaine 1
Semaine 2
Semaine 3
M
J
V
S
D
L
M
M
J
V
S
D
L
M
M
J
V
S
D
L
M
S
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
M
M
M
2
2
2
2
2


Les nourrisseurs sont réglés de manière à minimiser le gaspillage. Toutefois, lors de notre visite, le nourrisseur d'une case est vide et normal dans la case conjointe.
On a pu noter par ailleurs que les trémies sont défectueuses (il manque de nombreuses séparations)

Variable " Microbisme/Maladies/Médicamentations "
Aliment 1er âge : Colistine - Doxycicline ou Colistine - TMP/sulfa
Aliment 2ème âge : Lincomycine - OTC

Variable " Eleveur "
RAS sauf de la frustration.

Scénario le plus probable et validation des hypothéses


Scénario

La pathologie observée correspond à une pathologie digestive accidentelle que nous entrons dans le cadre des pathologies dites de transition dont le scénario le plus probable, dans le cas de l'élevage, pourrait être le suivant :

1 - Les porcelets consomment parfaitement bien l'aliment 1er âge (croissance excellente) d'autant plus que les porcelets reçoivent bien un aliment de complément en maternité. La supplémentation antibiotique " colistine " permet de couvrir la colibacillose dite de sevrage.

2 - L'aliment 2ème âge est moins appétent. C'est à ce stade qu'il faut faire intervenir le comportement des porcelets. Les porcelets dominants ont un comportement particulier à savoir des déplacements très nombreux au nourrisseur et particulièrement dès qu'un autre porcelet y est présent (les deux graphiques de la Figure 1 sont repris d'une étude de Jérôme del Castillo et traduisent le comportement alimentaire de 2 porcelets sevrés depuis plusieurs jours d'un même parc de 10 dont la croissance a été similaire. Dans cette étude, le comportement et la prise alimentaire des porcelets ont été suivis individuellement pendant 7 jours.

Figure 1 : Exemple de comportement alimentaire de deux porcelets d'un groupe de 10 porcelets suivis pendant 7 jours (les deux graphiques sont repris d'une étude de Jérôme del Castillo, 2001). Tous les porcelets de ce parc ont eu une croissance normale. On peut, par exemple, identifier, dans le même parc, un comportement "gros mangeur" (à gauche) et un comportement "picoreur" à droite.


Comportement " gros mangeur "
Comportement " picoreur "

Cette variation de comportement explique, au moins en partie, probablement pourquoi les porcelets dominants sont véritablement capable de "trier" l'aliment au profit des granulés. Les "dominés" ne consomment que pendant les périodes "creuses", souvent la nuit.

3 - Les porcelets dominants " refusent " l'aliment 2ème âge, ayant un accès, en raison de leur comportement "picoreur" à l'aliment premier âge même de plus en plus limité. De plus, la transition s'accompagne d'une diminution de la couverture antibiotique d'autant plus que les repas sont très fragmentés. Environ 24-48 heures après la fin de la transition, les dominants, qui ont faim, ingèrent alors une grande quantité d'aliment, nécessairement de 2ème âge. Cette ingestion d'une grande quantité d'aliment conduit à un véritable "accident" digestif, "l'accident grave" étant la colitoxicose et "l'accident bénin" étant une colibacillose digestive " banale ".

Validation des hypothèses émises :

Pour valider cliniquement cette hypothèse, nous avons eu la chance de visiter l'élevage en semaine de sevrage. Les porcelets étaient au milieu de la transition. Nous avons placé des granulés 1er âge (photo de gauche) sous de la farine (aliment 2ème âge), l'ensemble sur un panneau de bois. Nous avons observé les porcelets. En quelques minutes, tous les granulés ont été mangé par 4-5 porcelets (photo du milieu), les autres n'ayant accès que plus tard (photo de droite).



Il est possible d'interpréter cela à l'aide de la figure suivante qui schématise l'évolution des besoins qualitatifs et quantitatifs de l'aliment en fonction de l'âge (il peut s'agir de la quantité de protéines brutes mais aussi de la qualité de ces protéines). La zone grisée correspond à la zone de transition.


L'aliment premier âge (en granulés) est distribué pendant une longue durée (certainement trop longue pour les plus gros porcelets), ce qui s'accompagne d'un effet positif sur les performances de croissance.

Dans le cas de l'élevage, il n'y avait plus d'application de la règle dite des "14". L'aliment deuxième âge est très différent en texture et en composition ("gap "). Il y a donc un "gap" majeur entre les deux aliments aggravé par la durée standardisée de la distribution de l'aliment 1er âge quel que soit le poids.


Recommandations proposées


La recommandation repose sur le choix d'une stratégie et celle-ci n'a pas été choisie lors de la visite.

En effet, il fallait tout d'abord convaincre l'éleveur que cette pathologie pouvait bien être liée à une " petite " erreur d'une mesure pourtant généralisée dans les élevages, la transition alimentaire. Il fallait aussi convaincre le vétérinaire d'autant plus qu'il n'y a pas qu'une seule stratégie possible : toutes les stratégies discutées ont des avantages mais aussi des inconvénients et/ou des limitations. Toutes les stratégies ne s'opposent pas et certaines sont complémentaires.

Les domaines des recommandations concernent :

1- La durée de distribution de l'aliment 1er âge (limite: elle doit être normalement ajustée pour l'âge et selon le poids). Quoi qu'il en soit, si elle est trop longue, le passage à l'aliment 2ème âge équivaut quasiment à un 2ème sevrage.

2- La texture de l'aliment (limite: une compatibilité de la présentation des deux aliments augmente le prix) : il n'y a pas beaucoup de choix (granulé puis farine, granulés fins puis granulés plus grossiers).

3- Le choix de l'aliment 1er âge (limite: une certaine baisse des performances de croissance si on diminue le " gap " entre les deux aliments) : c'est un choix qui doit être pris en mettant en place des indicateurs zootechniques (croissance).

4- Le choix de l'aliment 2ème âge pour le rendre plus compatible avec le 1er âge (limite : le prix) : idem que 3.

5- Le choix d'un aliment " intermédiaire " (limite: une conduite plus difficile) : le choix est fonction des objectifs zootechniques visés par le producteur.

6- La stratégie médicale (limite: il n'y a pas d'autre choix que de passer via une supplémentation dans l'eau de boisson pendant la période à risque).


Commentaires

Le diagnostic "basique" de colitoxicose a été substantiellement affiné . En effet, il s'agit d'une pathologie :

- "accidentelle" infectieuse mais non contagieuse
- dite "de transition"
- qui s'inscrit dans le "syndrome du trop bien faire"
- véritablement contre-intuitive puisque la transition est normalement mise en place pour contrebalancer les déséquilibres alimentaires.

Cette pathologie oblige à chausser des lunettes d'éthologiste et d'oublier un temps son microscope et sa boite de Pétri!

Nous avons été chanceux dans notre démarche car le problème durait depuis longtemps et le producteur était prêt à écouter "n'importe qui". Remettre en question la sacro-sainte "transition à la française" pourrait être perçue comme iconoclaste.
Toutefois, le cas rapporté n'est pas unique et l'auteur a été à plusieurs reprises sollicité pour de tels cas et plusieurs vétérinaires pourraient probablement témoigner.

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