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Cas clinique: Recherches de l'origine d'une infection par le virus SDRP

Historique de l'élevage et tableau clinique
2 Février 2004
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Historique de l'élevage et tableau clinique


Historique de l'élevage

La Ferme Miranda (le nom est fictif) est un élevage de 1800 truies situé dans l'Ouest de l'Etat du Minnesota aux Etats-Unis. Cette exploitation a été récemment dépeuplée pour être repeuplée avec des animaux négatifs en SDRP et en Mycoplasma hyopneumoniae pour servir d'élevage de multiplication.

L'élevage comporte un site (Site 1) où se trouvent les salles de gestations, saillies, mise-bas et sevrages.
Le centre d'insémination se trouve aussi sur le même site.

Les salles de mise-bas et de sevrage ont une ventilation dynamique. Les salles de gestation ont une ventilation naturelle en été et dynamique en hiver.

Les engraissements (Sites 3) sont situés en dehors de l'exploitation, à 30 kilomètres de distance.

L'élevage comporte aussi une unité de quarantaine située à 1 kilomètre. Dans cette unité de quarantaine, on pratique les saillies et des femelles gravides à différents stades de gestations y sont logées

Les élevages de porcs les plus proches sont les suivants:

Nord-Ouest 5 km Centre d'insémination
Est 8 km 1000 porcs à l'engrais
Sud-Ouest 11 km 1000 porcs à l'engrais


Tableau clinique

Les premiers symptômes cliniques ont été observés le 12 Juillet sur le Site 1 lorsqu'on a retrouvé deux femelles avec des avortements à terme et deux autres avec tous les porcelets morts-nés.
La
mortalité avant sevrage avait augmenté légèrement et quelques portées avaient de la diarrhée et des articulations inflammatoires. Les porcelets répondaient bien aux traitements antibiotiques.

Le 14 Juillet, il y eut 10 truies qui cessèrent de manger et, à ce moment. Les
diarrhées et les problèmes d'arthrites ne répondirent plus aux traitements antibiotiques.


Résultats de production
  1er Juillet 7 Juillet 14 Juillet 21 Juillet
Taux de mise-bas 91,4 88,3 80,8 75,4
Nés vivants/portée 10,8 10,7 10,5 9,7
% morts-nés 6,3 11,2 8,8 13,3
% momifiés
1,4 1,9 2,9 1,4





Diagnostic


Le 15 juillet, des avortons ont été envoyés au laboratoire. Les résultats des analyses ne furent pas concluants puisque aucun agent pathogène significatif ne fut identifié; on décida alors d'envoyer à nouveau des échantillons plus nombreux.

Ce 20 juillet, on envoya des porcelets nouveau-nés chétifs au laboratoire.

Le 24 juillet, on envoya aussi des prises de sang du Site 1 (30 tubes) et le 27 du site de quarantaine (30 tubes). On demanda au laboratoire qu'il nous confirme ou infirme la présence du virus SDRP.

Les résultats obtenus furent les suivants :
  • Porcelets nouveau-nés chétifs : un échantillon positif en SDRP selon la technique PCR sur les tissus
  • Prises de sang du site 1: 80 % positifs avec le test ELISA IDEXX
  • Prises de sang du site quarantaine: 2 positifs sur 30 en ELISA
Il ne faisait donc aucun doute que l'élevage était infecté avec le virus SDRP. On demanda au laboratoire qu'il essaye de séquencer le génome viral mais les résultats ne pouvaient être disponibles avant 3 semaines.

Préalablement aux résultats mentionnés, l'élevage effectuait régulièrement un suivi mensuel du SDRP avec les résultats suivants:

Ferme Miranda
Date Test positifs / total
3 avril

ELISA SDRP 0/77
5 mai ELISA SDRP 0/30
2 juin ELISA SDRP 0/30
10 juin Tissus - PCR SDRP négatif
30 juin ELISA SDRP 0/30
30 juin PCR SDRP 0/30
signes cliniques
15 juillet Avortons - PCR SDRP négatifs
21 juillet Tissus - PCR SDRP 1 positif
24 juillet ELISA SDRP 41/51
30 juillet Semence - PCR SDRP 1 positif
Ferme quarantaine
Date Test positifs / total
5 mai
ELISA SDRP 0/30
2 juin ELISA SDRP 2/30 IFA négatifs
9 juin ELISA SDRP 2/30 IFA négatifs
16 juin ELISA SDRP 0/30
30 juin ELISA SDRP 0/30
1 juillet ELISA SDRP 3/32 IFA négatifs
signes cliniques
28 juillet ELISA SDRP 2/30 1 IFA positif


La mortalité avant sevrage continua à augmenter et les momifiés et les avortements aussi;
La mortalité au sevrage monta dramatiquement la troisième semaine de juillet.

 



Stratégies de contrôle et origines de l'infection


La confirmation de l'infection de l'élevage par le virus du SDRP fut ressentie comme une douche froide par l'éleveur car l'exploitation venait juste d'être repeuplée et ce d'autant plus que les animaux devaient être SDRP négatifs pour pouvoir être vendus.

L'essentiel était alors :

a) d'évaluer les stratégies possibles de contrôle à court terme pour maintenir la productivité suffisante.
b) d'évaluer les stratégies à moyen terme pour déterminer si le virus du SDRP peut être éliminer de l'élevage
c) de tenter de trouver l'origine de l'infection

Stratégies de contrôle à court terme

Les stratégies à court terme furent orientées avec pour seul objectif de minimiser la mortalité pré et post-sevrage.
Assez curieusement, l'épisode épidémique fut assez léger dans cet élevage et la récupération des niveaux de production fut assez rapide. A en juger par les signes cliniques, le virus ayant infecté cet élevage n'était pas un virus hautement pathogène.

Stratégies de contrôle à moyen terme


Les stratégies de contrôle à moyen terme dépendaient de la détermination des sources possibles de l'infection en nous basant sur les recherches décrites ci-dessous.

Cependant, indépendamment du choix que l'on ferait entre mettre en place un programme d'éradication ou décider de vivre avec le virus, il était évident qu'il fallait s'assurer que tous les animaux reproducteurs présents dans l'élevage ont séroconvertis afin d'éviter la possibilité de cohabitations de sous-populations différentes.
On choisit donc de mélanger les animaux pour répandre le virus dans toutes les zones de l'élevage.

Origine de l'infection

1. Animaux utilisés pour le repeuplement

Les animaux de remplacement provenaient de deux sources, négatives en SDRP, contrôlées mensuellement sur un échantillon représentatif.
Le protocole d'échantillonnage indique que le minimum prélevé était de 30 échantillons par site avec l'objectif de détecter au moins un animal positif pour une prévalence minimum de 10 % avec 95% d'intervalle de confiance. Les élevages d'origine présentent une fréquence estimée de faux positifs variant entre 0 et 3 %. Ces élevages d'origine sont restés négatifs jusqu'à cette date.

2. Protocoles de dépeuplement/repeuplement

Avant d'être repeuplé, l'élevage a été totalement vidé. Le processus aboutissant à ce vide total fut terminé en Février 2003 et fut suivi d'un protocole intensif de nettoyage, désinfection et vide sanitaire de 4 semaines. L'élevage fut inspecté après ce nettoyage et on considéra qu'il était apte à recevoir le nouveau cheptel.

3. Circuit des animaux de remplacement

Les premiers groupes de cochettes ont été envoyés directement à la Ferme Miranda où on mit en place un programme de management et d'acclimatation afin de les préparer à la saillie.
En Mai et Juin, le reste des animaux de remplacement ont été envoyés à une unité de quarantaine localisée à 1 km de la Ferme Miranda. Cette unité est conçue pour la réalisation des saillies et pour garder les animaux pendant 2 mois avant d'être introduits dans la Ferme Miranda. La semence utilisée pour ces saillies provenait de la Ferme Miranda.

Le premier groupe de femelles gestantes introduit dans la Ferme Miranda fut transféré les 26 et 27 Juin.

4. Transport

L'élevage a un système de transport interne dédié comme suit :

  • Transport interne dédié (innersactum trailer)
    - Pour déplacer les animaux de réforme de l'élevage vers le camion d'enlèvement comme moyen de transfert
    - Pour déplacer les animaux de la quarantaine vers la Ferme Miranda
    Cette remorque est lavée dans l'élevage même et est rangée en plein-air dans l'élevage.

  • Camion d'enlèvement des truies réformées
    - Propriété de l'élevage
    - Lavé dans un centre public de lavage
    - Parqué chez le propriétaire de l'élevage
    - Reçoit les animaux de la remorque de transfert (innersactum trailer)
    - Les transferts depuis l'innersactum trailer vers le camion d'enlèvement des réformes est réalisé à 500 mètres de la Ferme Miranda.
    - Il n'entre pas dans le périmètre du Site 1


  • Camion pour les engraissements
    - Utilisé pour transférer les porcs du sevrage vers l'engraissement
    - Nettoyé dans une station de lavage extérieure.

    4. Mouvement des animaux

    Ramassage des animaux de réforme:
    • 20 Mai
    • 18 Juin
    • 30 Juin
    Mouvement des animaux de la quarantaine
    vers le site 1:

    • 26 Juin
    • 27 Juin

    5. Visiteurs

    Le registre des visites a été contrôlé: la seule personne étrangère entrée dans l'élevage a été la personne chargée du programme de dératisation ; c'était le 23 Juin et elle n'avait pas été dans d'autres élevages au cours des 5 jours précédant sa visite. En revanche, on ne savait pas quel était l'élevage visité.

    6. Météorologie


    On n'a pas d'information détaillée sur le climat au moment de la date estimée de l'infection. Cependant, on a observé une tempête le 3 Juillet; consécutivement, on constata que beaucoup de femelles étaient piquées par les insectes.

    7. Résultats du séquençage du génome viral


    Le produit de la PCR positive du 15 juillet fut séquencé. La zone séquencée fut la ORF-5 (open reading frame 5). L' ORF-5 code les protéines virales situées en surface du virus (protéines d'enveloppe du virus). Cette zone est considérée comme une des plus variables du génome et on pense que si deux virus sont différents, la différence doit se trouver sur cette zone.
    Les résultats furent comparés avec les séquences disponibles au laboratoire et avec les séquences possibles des élevages de la région. Le tableau suivant montre les pourcentages d'homologie avec les souches de référence du laboratoire.
    Les vaccins 1,2 et 3 sont des vaccins SDRP commerciaux utilisés aux Etats-Unis. Le reste, les lettres A, B, C, D, E, F, G, H et I, correspondent à des isolements du virus SDRP du terrain utilisés comme référence et fournis par le laboratoire. Ces virus ont des structures génômiques différentes et avec différents types d'enzymes de restriction.






    Conclusions


    Quand on effectue des recherches sur l'arrivée d'une nouvelle maladie dans un élevage, il est difficile de vérifier quand et comment elle est entrée et d'où elle est venue. Dans le meilleur des cas, on peut émettre des hypothèses et en écarter certaines en fonction des informations dont on dispose.

    Ce qui n'était pas possible :

    Dans le cas décrit ici, on a pu écarter le transport, les visiteurs et les animaux en se basant sur le calendrier des mouvements d'animaux et les résultats sérologiques. En effet, d'une part, les dates ne correspondaient pas mais, de plus, les méthodes utilisées n'étaient pas compatibles avec ces vecteurs.

    Les hypothèses probables :

    Où ?
    D'après les symptômes et les analyses réalisées, l'infection commença sur le Site 1 et non pas sur le site de quarantaine.

    Quand ?
    On a estimé que l'infection a très probablement eu lieu tout à la fin du mois de Juin ou au début de la première semaine de Juillet.

    Comment ?
    Il est très probable que le virus ait pu entrer par l'intermédiaire d'insectes dans la mesure où il y eut, à cette période, une explosion massive de présence de mouches et moustiques dans l'élevage avec des lésions significatives sur les animaux.

    Par qui ?
    Le virus était d'origine vaccinale avec un type de restriction 2-5-2 et seulement 2,5 % de différence avec le vaccin commercial. On a aussi trouvé un virus d'origine vaccinale dans la même zone géographique que la Ferme Miranda et avec seulement 0,1 % de différence avec le virus de la Ferme Miranda (cette information ne se trouve pas sur le tableau d'homologie fourni précédemment).

    L'élevage situé dans la même zone en question se trouve à 30 km de la Ferme Miranda. Bien qu'il soit impossible de certifier que le virus est originaire de cet élevage, les résultats du séquençage génétique confortent l'hypothèse d'une transmission de l'infection par les insectes. On peut avec certitude écarter le fait que les animaux et le transport aient joué un rôle significatif.

    Les symptômes ont été assez légers avec une mortalité assez faible en sevrage 3 semaines après avoir détecté l'infection. On n'observa pas non plus d'avortements massifs et le nombre de porcelets nés vivants retrouva une valeur normale assez rapidement.

    Et la quarantaine ?
    L'unité de quarantaine fut infectée à partir de la Ferme Miranda par l'intermédiaire de la semence. Celle-ci était collectée et était envoyée quotidiennement à l'unité de quarantaine. Curieusement, la cochette qui sortit positive en IF avait été inséminée avec la semence du verrat qui sortit positive en PCR.

    Et après ?

    La Ferme Miranda a été soumise à un programme d'éradication basé sur la fermeture temporaire de l'entrée des animaux de remplacement.
    Une révision totale des mesures de biosécurité a aussi été mise en place et on a décidé de passer les salles de gestation en ventilation dynamique.
    Un programme de contrôle des insectes a aussi été mis en oeuvre.



    Commentaires


    Remarques sur la démarche suivie :


    Ce cas clinique relate les étapes des recherches mises en oeuvre dans un élevage présentant des signes cliniques de maladie alors qu'on en ignorait les causes. Dans ce cas, l'infection était due au virus SDRP. Il faut souligner que les signes cliniques observés dans l'élevage ne furent pas typiques d'un épisode aigu et ne furent pas aussi sévères que ceux observés dans d'autres élevages. Le diagnostic clinique eut besoin d'être appuyé par le diagnostic de laboratoire.

    L'infection de l'élevage signifiait la perte de son statut sanitaire "SDRP négatif", ce qui était très important puisque cet élevage de multiplication avait besoin d'être négatif en SDRP pour pouvoir vendre des animaux. Cet élevage venait juste d'être repeuplé pour servir d'élevage multiplicateur et cette infection fut une très grande déception pour les propriétaires, et ce à double titre: l'élevage était infecté et ils ne pouvaient plus vendre.

    Afin d'évaluer si l'élevage servirait dans le futur d'élevage commercial ou d'élevage de multiplication, il était essentiel de déterminer les sources possibles de l'infection.

    Il est généralement difficile de déterminer la source d'infection d'un élevage à moins qu'il ne se confirme que ce soit les animaux ou la semence. Dans ce cas, on écarta le transport, les animaux et les personnes car les périodes où eurent lieu les mouvements ne cadraient pas avec les diagnostics et le moment estimé de l'infection. Il était étonnant d'observer l'apparition des signes cliniques juste quelques jours après avoir vu une explosion massive d'insectes dans l'élevage. Les animaux situés dans les salles de gestation étaient très piqués et touchés.
    De plus, le fait que les résultats du séquençage génétique confirment que le virus était très proche d'un virus vaccinal isolé dans la même zone géographique renforça l'hypothèse que l'entrée du virus puisse être par l'intermédiaire des insectes.

    Comme on l'a dit précédemment, les signes cliniques furent légers par rapport à ceux observés dans d'autres élevages, ce qui renforce à nouveau l'idée d'une infection pouvant être due à un virus vaccinal partiellement atténué.

    Gestion de l'avenir :

    Concernant la stratégie future à suivre, on mis en place un programme d'éradication basé sur la fermeture temporaire de l'élevage. Cependant, ce problème supposait une terrible pression économique pour les propriétaires et un programme d'éradication était seulement possible s'il était à faible coût.

    La première étape consistait à s'assurer que tous les animaux de l'élevage, y compris ceux situés dans la zone de quarantaine soient exposés directement ou indirectement au virus. Cette étape était recommandée même si on avait seulement voulu contrôler l'infection sans plan d'éradication. Il était nécessaire de s'assurer que tous les animaux séroconvertissent afin de réduire le développement de sous-populations. Lors des sérologies réalisées à la mi-Septembre, on put confirmer que plus de 90 % des animaux avaient séroconvertis.

    Cet élevage se trouve donc dans des conditions immunologiques idéales pour que le virus soit éradiqué. De fait, si les détails du programme se concrétisent, on pense pouvoir débuter un programme de saillies à l'extérieur de l'élevage en Janvier afin que les animaux négatifs entrent dans la Ferme Miranda en Mai. On pense qu'à cette époque il n'y aura alors pas de virus actif dans la Ferme Miranda.

    Il est important, dans un cas comme celui-là, que le programme de biosécurité soit totalement réévalué afin de prévenir toute possibilité de réinfection future. Dans le cas de cet élevage, on a mis en oeuvre un programme de contrôle des insectes plus rigoureux. Par ailleurs, on n'a évidemment pas oublié le programme concernant le transport, le lavage des camions, les animaux, les visiteurs, le personnel...etc.

    Une leçon à tirer !

    Il est aussi important de souligner que la recherche de l'origine d'une infection est une recherche approximative mais non concluante dans la mesure où on ne peut ignorer le fait qu'il est difficile d'obtenir la totalité de l'information. Ainsi, les recherches étant rétrospectives, il est difficile que les salariés de l'élevage se mettent d'accord pour décrire ce qui s'est passé. C'est pour cela que nous recommandons de garder des archives sur toutes les activités significatives en tenant à jour un registre quotidien où sont notés les activités normales et tous les événements anormaux. Des activités comme le transfert des animaux de réforme, l'introduction des animaux de remplacement, le chargement des animaux pour l'abattoir...etc doivent y être notées afin de pouvoir ensuite être examinées par la suite si nécessaire.
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