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Cas clinique: Syndrôme truie grasse

Description de l'élevage et appel de l'éleveur:
27 Avril 2005
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Description de l'élevage et appel de l'éleveur:



Il s'agit d'un élevage naisseur de 400 truies sur un site dans une zone de moyenne densité porcine dans l’Ouest de la France.

Organisation de l'élevage

L'élevage produit ses cochettes et achète les doses de semence à l’extérieur.
La conduite est en 4 bandes et le sevrage a lieu à 21 jours.
L’aliment est également acheté.
L’eau provient d’un puits artésien, elle n’est pas traitée.
L’exploitation est gérée par l’éleveur et trois salariés à plein temps.

Il s’agit d’un ancien élevage de sélection et de multiplication d’une haute technicité et qui a conservé un statut sanitaire élevé pour un élevage de production à ce jour.

Statut sanitaire :

SDRP négatif
Actinobacillus pleuropneumoniae négatif
Maladie d'Aujeszky négatif
Mycoplasma hyopneumoniae positif
Gale sarcoptique positif

Prophylaxies effectuées :

- Vaccinations parvovirose et rouget sur les truies et cochettes
- Vaccination mycoplasme 1 dose sur les issues

Appel de l'éleveur

L'éleveur nous appelle pour faire le point sur ces résultats techniques en vue de les améliorer. C’est le premier contact avec ce client que nous ne connaissions pas.

Plusieurs points ne le satisfont pas dans la partie naissage:
- Déroulement laborieux des mises-bas avec mortinatalité
- Agalacties, taux de pertes élevé sur nés vifs
- Mortalités de truies (10%)
- Quelques avortements à tous stades

En revanche, il est tout à fait satisfait des performances du post-sevrage et de l’engraissement



Visite de l'élevage et recueil des commémoratifs


Visite de l'élevage:

Cet élevage est parfaitement tenu comme précisé dans la description.

Bâtiment cochettes

- Arrivée des lots de cochettes au départ pour l’abattoir de leur frères et sœurs non labellisées.
- Plusieurs cases sur paille avec niche (1 case par bande). Ce bâtiment regroupe toutes les cochettes en attente de saillie jusqu’à la mise bas.
- Alimentation à la soupe et synchronisation des chaleurs après 3 semaines passées dans le local.
- Rationnement à 3,2 kg par jour (formule gestante) jusqu’à l’IA puis 3,1 kg jusqu’au départ pour les maternités.
- Vaccinations parvovirose et rouget.

Verraterie-Gestante


Salle unique sur caillebotis intégral.
Alimentation soupe diluée à 6l/kg.
L’aspect général des animaux est très bon (absence de signe de gale avec un index de prurit<0,2, pas d’abcès à l’encolure ni de rectites).

Le rationnement a été modifié le jour de la visite :
- J 0 à J 25 après l’IA : 2,8 kg
- J 25 à J 70 : 2,7 kg
- J 70 à J 114 : 3,1

En fait les rations ont été diminuées de 200 à 300 g par stade.
L’éleveur trouve ces truies un peu grasses ce qui pour nous semble un euphémisme.

Enfin, notons que nous observons quelques truies (environ 3-4%) présentant un écoulement vulvaire.

Truie grasse
Décharges vulvaires
Croûtes vulvaires

Maternité

La conduite semble conforme : réception des truies dans des salles parfaitement propres, sèches, sans source évidente de stress.
La gestion des truies et de leur suite paraît tout à fait satisfaisante.
Nous observons une bande en mise-bas. Plus de 30% des truies de tous rangs ont des mises-bas de plus de 5 h30.
Il n’y a pas de constipation. Les truies ont une difficulté à consommer après mise-bas et on note de nombreuses mamelles flasques. Les porcelets ne présentent pas de signe de maladie, ils sont hétérogènes et maigres.
Environ 20% des truies font une hyperthermie après mise-bas sans écoulement vulvaire apparent ni de congestion notable de la mamelle.

Post-sevrage et Engraissement

Aucun élément intéressant nécessaire à la compréhension de ce qui se passe sur le naissage n’a été noté.
Absence complète de signe de pathologie ni d’erreur de management.

Autopsie d’une truie morte le matin même

Examen extérieur : RAS

Cavité thoracique : RAS

Cavité abdominale :
- Appareil digestif normal, estomac semi-plein sans ulcère;
- Néphrite sur le rein gauche avec présence de pus dans le bassinet
- Cystite hémorragique avec dépôt purulent (cf photo ci-contre)

Analyse des résultats techniques

 
6 derniers mois
Nombre de truies présentes
398
Nombre de truies productives
397,6
Sevrés/truie productive/an
25
Nés totaux/portée
14,13
Mort-nés/portée
1,49
Momifiés/portée
0,09
Sevrés/portée
10,58
Taux de pertes sur nés vifs
16,3
Taux de mise-bas
88,9
ISSF
13,8
Age à la 1ère MB
352

La pyramide des âges est en outre normale.

Les résultats observés dans ce tableau confirme une partie des soucis évoqués. L’ISSF plus long que l’objectif pour ce type d’atelier est lié à la conduite en bande particulière qui nécessite un temps improductif long dés qu’une truie fait un retour. La fertilité est toutefois très satisfaisante.



Axes de recherche privilégiés


La visite de l’élevage de notre point de vue est suffisamment explicite :
- Les truies sont particulièrement grasses (je n’en avais jamais vu de si grasses en 10 ans de pratique)
- Il est fort à parier qu’une des premières conséquences pathologiques est un taux d’infections urinaires élevé.
A l’écoute de notre conclusion, l’éleveur est pour le moins dubitatif et a du mal à croire à l’importance du phénomène. En toute bonne foi et vue son expérience, il ne peut pas croire qu’il a laissé filer les choses aussi vite.

Nous réalisons donc les analyses complémentaires suivantes:

Mesures d’épaisseur de lard dorsal


Pour la qualité pédagogique de l’outil mais aussi pour sonder le niveau d’état du troupeau et le suivre à l’avenir, nous réalisons des mesures d’épaisseur de lard dorsal :


Type d’animaux
Stade
Objectif du schéma
Moyenne élevage
Mini
Maxi
Cochettes
Saillie
15-16
14,5
8
22
Cochettes
MB
18-19
20
16
27
Truies
Saillie
15-17
21
15
26
Truies
MB
19-21
27
20
37
% de truies >23 mm
MB
10 max
88%
   

Analyses d'urine:

En ce qui concerne le dépistage urinaire, nous réalisons 58 prélèvements (fin de miction, truies de différents rangs en dernier tiers de gestation).
20 prélèvements sont troubles et/ou nitrites soit 33% d’urines qualifiées d’anormales (objectif max 15%).
5 urines sont envoyées au laboratoire pour cytobactériologie, bactériologie et antibiogramme dont le résultat est :

 
N°1
N°2
N°3
N°4
N°5
Comptage bactérien
>106/ml
>106/ml
>106/ml
>106/ml
>106/ml
Bactérie isolée
E. coli
E. coli
E. coli
E. coli
E. coli
TMP/sulfamides
R
R
S
R
R
Amoxicilline
R
S
S
R
R
Ceftiofur
S
S
S
S
S
Ac. oxolinique
I
I
S
R
R
Fluméquine
S
S
S
I
R
Enrofloxacine
S
S
S
S
R
Marbofloxacine
S
S
S
S
S

Analyse d'eau:

Une analyse bactériologique d’eau est effectuée révélant une pollution assez importante :

Coliformes totaux (germes/100 ml):
47
Coliformes fécaux (germes/100 ml) :
19
Strepto fécaux (germes/100 ml) :
32




Conclusions des examens complémentaires, recommandations et évolution du cas


Conclusions et recommandations

Face à l’analyse de ces différents éléments, nous concluons pour ce cas à un syndrome de la truie grasse avec ses conséquences directes et indirectes.

Nos recommandations portent sur les points suivants:

Concernant l'état d’engraissement

La surcharge du troupeau est extraordinaire et l’éleveur à l’issue des mesures d’ELD est convaincu de l’ampleur du phénomène.
Tous les stades sont concernés. La relative hétérogénéité observée en cochettes est logique compte-tenue du système d’alimentation en groupe mais elle est vite gommée en cours de gestation.
Nous recommandons à l’éleveur de baisser encore de 100 g supplémentaires ses rations et de continuer à réaliser des mesures bande par bande à l’entrée en maternité.

En « urgence » et pour limiter l’intensité des problèmes sur la bande suivant celle observée en maternité:
  • Un hépatoprotecteur distribué depuis 5 jours avant à 2 après la mise bas afin de limiter la surcharge hépatique

  • Calcium oral l’avant veille et la veille de la mise bas pour faciliter la mobilisation calcique et pallier à une éventuelle carence

  • Déclenchement systématisé des mises bas avec un protocole d’assistance approfondi (horloge de mise-bas, programme vetrabutine-ocytocine systématique après le 1er porcelet…) pour diminuer le risque de mortinatalité et assister les porcelets pour la tétée colostrale
Concernant la pathologie urinaire

Sur la rotation des 4 bandes, nous préconisons un dépistage individuel avant chaque passage en maternité et un traitement des truies « positives » avec de la marbofloxacine injectable aux doses préconisées dans le dossier du produit.

De même, un traitement général du troupeau à base de chlorure d’ammonium pendant 1 mois est mis en place.

Enfin, nous prévoyons de réaliser un nouveau dépistage général à l’issue du traitement des 4 bandes.

Concernant la qualité bactériologique de l’eau

Une chloration de l’eau de boisson est mise en place ainsi qu’un contrôle bi-mensuel du chlore libre résiduel en bout de ligne.

Evolution

La bande ayant suivi directement celle observée lors de la visite a connu encore beaucoup de complications. Une majorité de truies ont été fouillées et l’assistance soutenue a toutefois permis de limiter fortement les taux de pertes.

La bande suivante s’est déjà nettement mieux comportée, les mesures effectuées annoncent un ELD moyen de 22,4 à la mise-bas (de 19 à 27, 40% de note>23 mm) qui augure de la bonne voie engagée.

A l’heure actuelle, le troupeau a retrouvé ses performances passées et la pathologie urinaire a disparu à l’issue du traitement proposé.


Commentaires

Ce cas suscite plusieurs éléments de réflexion :

· De la dérive lente et inexorable d’une situation « parfaite »

On peut toujours se poser la question de savoir comment un éleveur doté d’une haute technicité peut laisser les choses dériver à tel point d’en arriver à une situation pareille.
Pouvait-on imaginer qu’un troupeau puisse être aussi gras dans un tel élevage ?
Dans un 1er temps, et tout un chacun a déjà pu le constater, il est difficile pour un éleveur de faire la part des choses et de juger de l’évolution de son troupeau (quelque soit le critère à observer) en le voyant tous les jours.
Aussi, les visites techniques ou vétérinaires restent un outil indispensable du suivi d’un troupeau y compris sans que l’éleveur ne rencontre de souci spécial dans la conduite de son troupeau.

· L’intérêt de « nouveaux » outils de diagnostic

Dans notre pratique quotidienne, avec les nombreux types génétiques rencontrés, il est de plus en plus difficile de se faire une idée précise de l’état d’engraissement d’un troupeau et de son homogénéité.
Plusieurs de ces types génétiques ont des niveaux de consommation très bas proches de 1000 kg par truie et par an en sevrage 28 jours.
Dans ces conditions, j’utilise couramment les mesures d’épaisseur de gras dorsal dans ma pratique quotidienne. Cet outil est d’une grande utilité diagnostique voire pédagogique comme dans le cas présenté.

· La complication classique du syndrome de la truie grasse

Dans le cas que nous avons relaté, il est intéressant de noter que le symptôme associé le plus courant au syndrome de la truie grasse était présent.
Dans cet élevage, il était très fréquent d’observer les truies en « chien assis », posture qui contribue à augmenter la pollution vaginale et les contaminations ascendantes. Par contre, cet élevage ne présentait pas de troubles locomoteurs importants ce qui reste pourtant plus que fréquent dans ce genre de situation.

· L'intérêt de la bonne conduite d'élevage

Enfin, il faut souligner que la correction de cette erreur de management a été relativement rapide. Ceci est lié au type de conduite en bande qui a l’avantage de permettre un grand écart de temps entre les lots et donc la possibilité d’être suffisamment réactif et de proposer des mesures correctives dés le lot suivant un lot à problème.

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