X
XLinkedinWhatsAppTelegramTelegram
0
Lire cet article dans:

Réduire les émissions gazeuses en engraissement par refroidissement du lisier : lisiothermie

L’étude de l’Ifip apporte des résultats inédits sur la réduction du méthane par lisiothermie, jamais publiés auparavant par d’autres équipes.

L’engagement de la France au niveau européen sur une réduction de 15% des émissions d’ammoniac d’ici 2030 par rapport à 2005, force les acteurs de la filière à réfléchir à de nouvelles voies d’action applicables aux bâtiments existants ainsi qu’aux projets de construction. La température fait partie des facteurs d’influence majeurs de la volatilisation d’ammoniac au même titre que le pH. Si l’acidification des lisiers ne connaît pas un franc succès sur le territoire national du fait d’un certain nombre de freins techniques, économiques mais aussi sociaux, agir sur la température apparaît comme une voie d’intérêt.

Dans le cadre d’un projet soutenu financièrement par l’ADEME et le PNDAR, l’Ifip a piloté une étude orientée sur deux axes de gestion de la température en porcherie d’engraissement : la température ambiante et la température du lisier.

Réduire la température du lisier stocké : lisiothermie en fond de fosse versus lisiothermie flottante

Une partie du projet a été consacrée à la mise en oeuvre de systèmes permettant la réduction de la température du lisier stocké dans les préfosses de bâtiments abritant des porcs charcutiers. Ces systèmes, encore appelés lisiothermie, sont constitués d’un réseau de tubulures placées au contact du lisier stocké, réseau connecté à une pompe à chaleur et à un système de captation des calories. Un liquide caloporteur circule dans ce réseau, permettant ainsi de capter les calories du lisier et de les transférer vers un ouvrage de stockage et/ou de consommation. Les calories récupérées au niveau du lisier peuvent ainsi servir à alimenter un ballon d’eau chaude, et à préchauffer l’air de bâtiments de post-sevrage ou de maternité.

Schéma de fonctionnement d’un système de lisiothermie
Schéma de fonctionnement d’un système de lisiothermie

Deux systèmes de lisiothermie ont été installés dans des salles d’engraissement de la station de l’Ifip de Romillé (35) :

  • un premier système dit « lisiothermie fond de fosse » avec un réseau de tubulures fixés au fond de la préfosse et
  • un deuxième dit « lisiothermie flottante » où le réseau de tubulures est rattaché à un radeau flottant à la surface du lisier.

Pour les deux systèmes, la puissance de refroidissement est de 20 W/m2.

Lisiothermie fond de fosse en conditions expérimentales. Source : IFIP.
Lisiothermie fond de fosse en conditions expérimentales. Source : IFIP.
Lisiothermie flottante en conditions expérimentales. Source : IFIP.
Lisiothermie flottante en conditions expérimentales. Source : IFIP.

Quatre bandes de porcs charcutiers ont été suivies tant sur le plan des performances zootechniques (GMQ, IC, composition des carcasses) que des performances environnementales (émissions d’ammoniac, de protoxyde d’azote et de méthane, volume et composition des lisiers produits). Des capteurs de températures ont été installés dans la préfosse à différentes profondeurs en vue de mesurer l’effet du type de lisiothermie sur la température du lisier.

En parallèle des bandes de charcutiers suivies à la station expérimentale de l’Ifip, des mesures ont été réalisées au sein d’un élevage commercial équipé d’un système de lisiothermie de fond de fosse avec une puissance de refroidissement installé de 10 W/m2. Le protocole de suivi mis en œuvre pour cet essai en conditions d’élevages est quasiment identique à celui mis en oeuvre en conditions expérimentales.

Réduction du méthane sans impact sur les performances zootechniques

En conditions expérimentales et en conditions d’élevage, aucune différence n’a été mesurée sur les performances zootechniques des porcs charcutiers entre les différents systèmes de lisiothermie et les salles de référence.

La lisiothermie de fond de fosse a permis dans l’étude Ifip, de réduire de 10°C la température du lisier en fond de fosse en conditions expérimentales (uniquement 2.5°C en conditions d’élevage) alors que la réduction n’est que de 7°C avec la lisiothermie de surface.

Emission (kg N/C par place et par an) Conditions expérimentales Conditions d’élevage
Salle témoin Salle lisio fond de fosse Salle lisio surface Salle témoin Salle lisio fond de fosse
Ammoniac 2,2±1,3 1,9±1,4 2,3±1,3 1,9±0,9
Protoxyde d’azote 0,08±0,08 0,08±0,08 0,09±0,08 nm nm
Méthane 4,3±2,9 1,8±0,9 2,7±1,2 13,0±5,8 10,5±5,1

nm : non mesuré

Concernant les gaz, les émissions des salles témoin ont été jugées représentatives après avoir été comparées à la bibliographie. Pour les salles équipées de lisiothermie, la réduction de l’émission d’ammoniac n’est que de 14% en conditions expérimentales alors qu’aucun effet n’a été mesuré en conditions d’élevages. Pour le méthane, la réduction de la température a conduit à ralentir l’activité des bactéries méthanogènes aboutissant à un abattement de 59% pour la lisiothermie fond de fosse et 38% pour la lisiothermie de surface en conditions expérimentales. En conditions d’élevage, cet abattement n’est que de 19%.

Le caractère novateur de cette étude porte sur les résultats obtenus sur le méthane, jusqu’alors non publiés par d’autres équipes. La lisiothermie se révèle être un levier efficace de réduction du méthane alors que son efficacité sur l’ammoniac a été inférieure à ce que la bibliographie met à disposition. L’explication repose sur la puissance de refroidissement installée ; l’abattement d’ammoniac étant proportionnelle à cette puissance (10% par 10 W/m2 installé). Cette relation explique la moindre efficacité obtenue en conditions d’élevages (10 w/m2 versus 20 W/m2 en station).

Lisiothermie : une solution prometteuse avec des limites techniques

La réduction de la température du lisier est une piste à explorer pour limiter la production d’ammoniac par les porcheries. De plus, cette technique présente un avantage supplémentaire lié à la récupération d’énergie. Cet aspect est un levier de taille facilitant le développement de cette technique, particulièrement dans un contexte où le prix de l’énergie ne cesse d’augmenter. Cependant, l’adaptation de la technique à des bâtiments existants présente certaines limites techniques comme la réduction du volume des préfosses.

Nadine Guingand, ingénieure environnement à l’IFIP-Institut du porc.

Commentaires de l'article

Cet espace n'est pas destiné a être une zone de consultation des auteurs mais c'est un lieu de discussionouverts à tous les utilisateurs de 3trois3.
Publier un nouveau commentaire

Pour commenter, vous devez être utilisateur de 3trois3 et vous connecter

Vous n'êtes pas inscrit à la liste Dernière heure

Dernières nouvelles de la filière porcine

Connectez-vous et inscrivez-vous à la liste

Articles liés

Vous n'êtes pas inscrit à la liste La newsletter de 3trois3

Un résumé tous les 15 jours des nouveautés de 3trois3.com

Connectez-vous et inscrivez-vous à la liste