Le prix du porc baisse et poursuit sa chute, que se passe-t-il ?

Le jeudi 17 juillet a eu lieu la première baisse de l’année du prix du porc vif en Espagne (exception faite des deux ajustements de janvier après les fêtes de Noël). Nous venions du record annuel de 1,815 euro / kilo vif. Six semaines à peine se sont écoulées et le prix actuel est de 1,643, soit une baisse cumulée de plus de 17 centimes, survenue de manière atypique en juillet et août. Que se passe-t-il ? Comment l’expliquer ?

Nous commentions il y a quatre semaines qu’il existait plusieurs raisons solides pour que le prix du marché directeur espagnol (Mercolleida) baisse ; nous les rappelons ci-après, de façon synthétique :

• Pendant plusieurs semaines, le prix espagnol est resté de plus de 28 centimes par kilo vif au-dessus du prix allemand ; cet écart n’est pas tenable dans le temps, comme l’histoire l’a prouvé.
• L’Allemagne a baissé inopinément de 15 centimes au kilo carcasse lors de la première cotation de juillet : ce mouvement a entraîné à la baisse les prix du porc dans les pays voisins et provoqué des chutes désordonnées sur la viande.
• Les exportations de viande porcine espagnole vers les pays tiers fonctionnent mal en raison de l’extrême agressivité du Brésil – dont le cheptel est en plein essor – qui nous grignote des parts de marché mois après mois.
• Nous expliquions que, lors de la semaine 29, les résultats des abattoirs espagnols furent les pires de l’histoire : confrontés à des pertes colossales, leur seule alternative fut de réduire drastiquement leur activité pour limiter les dégâts. C’est ce qu’ils ont fait. Après toutes ces réductions, le résultat est qu’aucun porc ne manque pour une demande conjoncturellement bien moindre.

La baisse soutenue actuelle doit être comprise comme un mouvement pendulaire, conséquence de la longue période de prix comparativement élevé face aux autres acteurs européens. Le prix a été trop cher pendant trop longtemps, et il se déplace désormais d’un extrême à l’autre, à la recherche d’une respiration dans les flux d’abattages.

De nombreux éleveurs nous signalent une nette amélioration de la santé du cheptel espagnol ; il convient donc d’en déduire que l’offre en vif s’est améliorée et s’améliorera sensiblement d’ici à Noël. Le prix descendra autant que nécessaire. Nous estimons qu’un niveau d’environ 1,45 euro / kilo vif à la mi-décembre est une hypothèse réaliste. C’est ce que nous ont confié d’importants opérateurs.

Nous pensons que les résultats de l’industrie de transformation (notamment la fabrication de charcuteries) s’amélioreront nettement durant ce second semestre. Il ne saurait en être autrement et il était grand temps que cela arrive.

Les baisses importantes enregistrées jusqu’à ce jour n’ont pas suffi pour que la majorité des abattoirs sortent de pertes ; il est indéniable que les résultats aussi accablants se sont améliorés, mais pas suffisamment jusqu’à présent. Le prix du porc baissera encore.

La viande ne parvient toujours pas à trouver de plancher ferme pour ses prix ; nous verrons si la fameuse « rentrée » (retour des populations vers les villes après les vacances ; perceptible, en Europe, après le 15 août) sert à apporter un peu de fermeté.

Avec la santé du cheptel en nette amélioration et un nombre de truies en production proche du record historique, il est probable que d’ici la fin de l’année nous connaîtrons plusieurs semaines avec des abattages frôlant (ou même dépassant) les maxima jamais enregistrés. Il est très prévisible que la viande continue d’abonder en excès à l’intérieur des frontières de l’Union européenne.

Aux États-Unis, le prix du porc se situe entre 10 et 20 centimes d’euro par kilo carcasse au-dessus du prix allemand. Le marché se maintient à un niveau élevé grâce à la nette contraction de l’offre en vif. La viande américaine n’est pas disponible (ou, si elle l’est, son volume est très restreint) pour nous concurrencer sur les destinations asiatiques.

Le jeudi 21 août a été présentée en Écosse la déclaration conjointe sur le nouveau cadre commercial entre l’UE et les États-Unis. La nouvelle situation implique que la viande porcine de l’UE devra affronter un droit de douane de 15 % pour accéder au marché nord-américain, tandis que la viande porcine américaine obtient le statut de produit préférentiel. De nombreux détails restent encore à préciser (contingents ? allégement des exigences sanitaires ? …) mais l’impression générale en Europe est que nous en sortons perdants. Nous reviendrons sur ce sujet plus tard, lorsque les points restants auront été clarifiés. En résumé : c’est la nouvelle du mois et elle n’est nullement bonne.

Au Brésil, le prix a augmenté d’environ 20 centimes par kilo vif depuis le minimum de la mi-juillet. Il se situe actuellement autour de 1,40 euro / kilo vif. Cela reste sensiblement moins cher qu’en Espagne, mais l’écart s’est considérablement réduit.

Nous devons déplorer, en août, un incendie dans deux entreprises industrielles porcines à Vic, dans la zone connue sous le nom d’« Illa Càrnica ». Nous souhaitons que les dommages puissent être surmontés rapidement.

S’annonce une saison avec un prix du vif plus en accord avec les coûts de production. Il n’est pas de bonheur qui dure cent ans. Quoi qu’il en soit, l’exercice présent sera bon pour les éleveurs espagnols : les chiffres en témoignent.

Nous terminerons ce texte en rappelant quelques mots du génie nord-américain des échecs – devenu champion du monde – Robert Fischer : « Vous devez avoir l’esprit combatif, forcer les coups et saisir les opportunités ». Nous souscrivons à ces paroles et les jugeons parfaitement transposables à la vie elle-même.

Guillem Burset