X
XLinkedinWhatsAppTelegramTelegram
1
Lire cet article dans:

Une approche différente de la vaccination contre la grippe

1 commentaires

Les experts qui étudient l’influenza tentent de stimuler la réponse en anticorps contre les parties de l’hémagglutinine qui varient le moins d’une souche à l’autre. Pour ce faire, ils choisissent deux souches antigéniquement très différentes dans les sous-types H1 ou H3, pour la primovaccination et la vaccination de rappel.

Les vaccins contre la grippe porcine ressemblent aux vaccins antigrippaux pour les humains, mais pas tout à fait

Les vaccins actuellement commercialisés contre le virus de l'influenza porcin (VIP) sont traditionnellement inactivés (ou tués) et sont administrés par injection intramusculaire (IM). Ces vaccins protègent en induisant des anticorps contre la principale protéine de surface virale, l’hémagglutinine (HA). Le point faible de ces anticorps neutralisants est que leur cible sont les parties les plus variables de l'HA. C'est la raison pour laquelle les souches de vaccins pour l'homme sont mises à jour presque tous les ans pour coïncider avec les souches circulantes (Dormitzer et al, 2011).

Les vaccins contre le VIP présentent des similitudes avec les vaccins tués pour les humains, mais ils présentent également des différences essentielles. Alors que les vaccins humains contiennent généralement des antigènes purifiés de la surface du virus, sans adjuvants, la plupart des vaccins contre le VIP sont des préparations du virus complet avec un adjuvant huileux. Dans le cas des vaccins contre le VIP, contrairement aux vaccins humains, la dose antigénique et les souches vaccinales ne sont pas standardisées (Van Reeth et Ma, 2013). En raison des différences antigéniques et génétiques entre les VIP européens et nord-américains, les vaccins de chaque région géographique sont produits localement et contiennent des souches complètement différentes. Le vaccin le plus largement utilisé sur le marché européen est trivalent et contient du H1N1 de type aviaire, du H1N2 de type humain et un VIP H3N2 des années 2000, en association avec un adjuvant à base de carbomère. Un vaccin bivalent avec un adjuvant huileux est également souvent utilisé. Il est basé sur une souche porcine H1N1 de type aviaire et un H3N2 humain isolé il y a plus de 35 ans. Des vaccins similaires aux États-Unis contiennent des souches représentatives de plus de 3 lignées différentes de VIP H1 et d'une ou deux lignées H3N2. Un vaccin monovalent basé sur le virus pandémique H1N1 de 2009 a été lancé récemment sur les deux continents.

La complexité de la sélection des souches pour le vaccin contre le VIP

Le VIP a subi plus de changements que jamais au cours de la dernière décennie et l’absence de changement dans les souches vaccinales de VIP et dans les protocoles est devenue un problème majeur. Bien que virtuellement tous les VIP aient vu évoluer leur HA à partir de virus qui, à un moment donné, ont circulé dans la population humaine, l'épidémiologie de la grippe est beaucoup plus complexe chez les porcs que chez l'homme (Lewis et al, 2016). Les multiples introductions du virus de la grippe humaines chez les porcs dans différents pays, ainsi que le fait que les porcs ne voyagent pas comme les humains, ont contribué à l'énorme diversité génétique et antigénique du VIP. Ceci est illustré sur la figure 1 pour le sous-type H3N2.

Figure 1. Evolution des virus de la grippe H3N2 chez l'homme et le porc. Les différentes nuances de vert indiquent des différences antigéniques dans l'HA H3; les souches virales sont indiquées avec le site (en abrégé) et l'année d'isolement. Les virus humains ont été introduits dans la population porcine au début des années 1970 en Europe et au milieu des années 1990 et en 2010 en Amérique du Nord. Cela a conduit à la situation actuelle de 3 clades différents de VIP H3N2 (voir encadrés), un en Europe et deux en Amérique du Nord. Les clades américains reviennent parfois dans la population humaine et sont alors appelés virus "variantes".

Figure 1. Evolution des virus de la grippe H3N2 chez l'homme et le porc. Les différentes nuances de vert indiquent des différences antigéniques dans l'HA H3; les souches virales sont indiquées avec le site (en abrégé) et l'année d'isolement. Les virus humains ont été introduits dans la population porcine au début des années 1970 en Europe et au milieu des années 1990 et en 2010 en Amérique du Nord. Cela a conduit à la situation actuelle de 3 clades différents de VIP H3N2 (voir encadrés), un en Europe et deux en Amérique du Nord. Les clades américains reviennent parfois dans la population humaine et sont alors appelés virus "variantes".

Les sous-types de VIP H1N1 et H1N2 sont encore plus diversifiés. Trois lignées de H1 circulent simultanément dans de nombreux pays européens: le type aviaire, le type humain et le H1 pandémique de 2009. La séquence en acides aminés de leurs HA varie de 20 à 25% et leur réactivité sérologique croisée est minimale. En outre, les lignées et les clades (sous-classification au sein d'une lignée) dominants diffèrent d'une région européenne à l'autre et il existe encore d'autres clades en circulation en Amérique du Nord et en Asie.

Il convient de noter que, contrairement aux vaccins antigrippaux humains, de nombreux vaccins commerciaux contre le VIP présentent une protection relativement large contre les variantes de dérive au sein d’une lignée H1 ou H3 donnée. Cela peut s'expliquer par la présence d'adjuvants dans ces vaccins, ce qui augmente l'intensité (quantité) et la réactivité croisée de la réponse en anticorps. Le défi, cependant, consiste à savoir comment protéger les porcs contre les multiples virus H1 et H3 de différentes lignées et clades qui co-circulent. Cela nécessiterait des vaccins multivalents contenant au moins 5 souches différentes H1 et H3 du virus. Les souches appropriées seraient non seulement différentes selon les continents et les régions, mais nécessiteraient également des mises à jour régulières. Ces vaccins VIP polyvalents sont difficiles à obtenir, à la fois techniquement et économiquement. Il serait préférable de développer des vaccins offrant une protection plus large et croisée contre différentes lignées et clades.

La primovaccination et le rappel hétérologue peuvent offrir plus de protection qu'un vaccin polyvalent compatible

Les chercheurs travaillant sur la grippe tentent de stimuler la réponse en anticorps contre des parties de l'HA qui sont moins variables entre les souches. Les épitopes de ces parties ont été largement ignorés par les vaccins traditionnels et les stratégies de vaccination car ils sont "sous-dominants". Une approche qui semble prometteuse est le choix de deux vaccins antigéniques très différents dans les sous-types H1 ou H3 pour la vaccination primaire et de rappel. Du fait que ces souches présentent très peu de coincidence dans les épitopes immunodominants les plus variables, les cellules productrices d'anticorps seront redirigées vers les épitopes sous-dominants conservés. Notre groupe de recherche de l'Université de Gand a démontré le potentiel de cette stratégie de "primo-vaccination et rappel hétérologue" dans le cadre d'une étude portant sur des vaccins inactivés expérimentaux contre le VIP H3N2. Une souche européenne H3N2 a été injectée à des porcs non exposés à la grippe et, après 4 semaines, une souche nord-américaine H3N2 a été injectée, ou inversement, comme illustré à la figure 2.

Figure 2. Effet des protocoles de vaccination traditionnels et de la vaccination de rappel hétérologue sur l'amplitude de la réponse anticorps anti-H3N2. Les drapeaux indiquent les souches européennes et nord-américaines de VIP H3N2. Le sérum recueilli 14 jours après la deuxième vaccination a été analysé contre 15 virus antigéniquement différents, y compris les souches vaccinales. Les chiffres représentent le nombre de virus pour lesquels les titres en anticorps HI étaient ≥ 40.

Figure 2. Effet des protocoles de vaccination traditionnels et de la vaccination de rappel hétérologue sur l'amplitude de la réponse anticorps anti-H3N2. Les drapeaux indiquent les souches européennes et nord-américaines de VIP H3N2. Le sérum recueilli 14 jours après la deuxième vaccination a été analysé contre 15 virus antigéniquement différents, y compris les souches vaccinales. Les chiffres représentent le nombre de virus pour lesquels les titres en anticorps HI étaient ≥ 40.

Les anticorps résultants avaient une réaction croisée avec près de 80% d’un panel de 15 souches différentes d’H3N2 d’origine humaine et porcine, à comparer à la valeur inférieure à 40% obtenue par le groupe témoin "primovaccination-rappel" homologue (Van Reeth et al, 2017). Seuls des anticorps contre les deux souches vaccinales ont été trouvés après la primovaccination-rappel hétérologue ou après 2 injections d'un vaccin bivalent combinant les deux souches, mais l'ampleur de la réactivité croisée était beaucoup plus grande dans le premier groupe. L'utilisation de vaccins différents pour la primovaccination et la vaccination de rappel ne semble pas seulement être plus immunogène que n'importe lequel des vaccins existants contre le VIP, elle pourrait également réduire la quantité totale de vaccin nécessaire.

Il est important de noter que n'importe quelle combinaison de souches antigéniquement distinctes de VIP H3N2 ou H1N1 ne fonctionnera pas bien. De plus, l'ordre d'administration des souches vaccinales semble avoir un effet considérable sur la réponse en anticorps. Nous essayons actuellement de déduire la base scientifique de ces observations et d'améliorer encore les schémas de primovaccination-rappel avec H3N2 ainsi qu'avec H1N1 et H1N2.

Des tests expérimentaux à l'utilisation sur le terrain

Malheureusement, les effets de la primovaccination et de la vaccination de rappel avec différents vaccins commerciaux contre le VIP n’ayant pas encore été étudiés et donc nous ne pouvons toujours pas recommander de protocole de primovaccination et de vaccination de rappel pour les conditions du terrain. Cette approche alternative nécessitera une mentalité plus ouverte de la part des vaccinateurs. En outre, il est peu probable qu'un seul protocole de primo-vaccination et de rappel convienne aux animaux de tous les âges. Cependant, nous pensons que certains protocoles spécifiques peuvent améliorer certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés afin de réaliser une vaccination efficace contre le VIP. La vaccination des porcelets avec des souches autres que celles qui sont sur le terrain et que celles utilisées pour vacciner les truies peut, dans une certaine mesure, éviter l'effet des anticorps maternels. De plus, il est probable que la vaccination répétée de truies alternant des souches soit plus immunogène que l'utilisation répétée de la même souche. Idéalement, l'immunité active préexistante devrait également être prise en compte pour définir les protocoles. En fait, les truies et les nullipares ont généralement déjà été infectées par une ou plusieurs souches de VIP. Il a été démontré que cette immunité antérieure améliore et, dans de nombreux cas, amplifie la réponse en anticorps au vaccin tué, en particulier si la souche vaccinale est différente de celles ayant provoqué les infections antérieures.

La politique d'actualisation régulière des souches vaccinales contre le VIP est non seulement peu pratique mais elle a également des limites. Il ne faut pas oublier que le succès de la vaccination dépendra de nombreux facteurs autres que la concordance de la souche vaccinale, tels que les antécédents d'infections grippales, l'adjuvant et la dose antigénique du vaccin (Van Reeth et Ma, 2013). Ces autres facteurs sont probablement plus importants chez les porcs que chez l'homme.

Remerciements

La recherche sur la grippe dans le laboratoire des auteurs est soutenue par le Fonds de recherche spécial de l'Université de Gand, le Service public fédéral de la Santé, la Sécurité de la chaîne alimentaire et l'Environnement de Belgique et par la Commission européenne.

Commentaires de l'article

Cet espace n'est pas destiné a être une zone de consultation des auteurs mais c'est un lieu de discussionouverts à tous les utilisateurs de 3trois3.
15-Jan-2019 Tom42☹Dans un test IHA (HI dans l'article), une réaction croisée entre plusieurs souches ne signifie pas protection croisée. La protection clinique contre la grippe est obtenue avec certitude en vaccinant ses porcs avec une souche grippale homologue. Les vaccins commerciaux disponibles permettent d'obtenir cette protection (à condition d'effectuer un diagnostic précis du virus impliqué). Le reste n'est encore que spéculation non scientifiquement étayée.
Publier un nouveau commentaire

Pour commenter, vous devez être utilisateur de 3trois3 et vous connecter

Vous n'êtes pas inscrit à la liste Dernière heure

Dernières nouvelles de la filière porcine

Connectez-vous et inscrivez-vous à la liste

Articles liés

Vous n'êtes pas inscrit à la liste La newsletter de 3trois3

Un résumé tous les 15 jours des nouveautés de 3trois3.com

Connectez-vous et inscrivez-vous à la liste